Raffinement, élégance, goût du détail dans les décorations pariétales, grandeur des lieux font de la villa Oplontis, située dans la baie de Naples, l’une des demeures les plus majestueuses de l’Antiquité et des mieux conservées suite à l’éruption du Vésuve en 79 ap.JC.
Ne pas s’y méprendre : la villa dans l’antiquité n’a rien à voir avec la conception que l’on en a de nos jours, nous sommes loin du pavillon de banlieue. Toutefois, la villa romaine est construite hors des centres villes. La demeure dans la ville antique est nommée la domus (la maison du maître). Quant à la villa, c’est avant tout une propriété agricole, une villa suburbaine où l’on effectue un travail productif viticulture, verger, élevage…mais la villa Oplontis est autre qu’une simple villa rustique et en témoignent ses dimensions, le nombre de pièces, 94, l’esthétique décoratif, sa piscine dite olympique (60 mètres de long sur 16 mètres de large) sans oublier une série de colonnes, de portiques couverts courant autour de la villa.
Une villa pour une Impératrice
Selon les fouilles archéologiques et les données historiques, on suggère que la villa ne pouvait qu’appartenir à une personne importante, d’un haut rang. La découverte d’une inscription sur une amphore « Secundo Poppaea » (affranchi de Poppée) suppose que cette somptueuse demeure devait appartenir à Poppée l’Impératrice, maîtresse puis deuxième épouse de l’Empereur Néron. Sa famille était originaire de Pompéi, de nombreux graffiti se réfèrent à sa « Gens », peut-être était-elle l’heureuse propriétaire de la fameuse maison dite de Ménandre où les archéologues ont retrouvé de splendides pièces d’argenterie, plus d’une centaine, conservées aujourd’hui au musée archéologique de Naples.
Oplontis se trouvait à 3 milles romains de Pompéi soit 4.5 kms. Cela laisse à penser que le lieu-dit était un quartier résidentiel de Pompéi parce que nous n’avons rien retrouvé d’un tissu urbain, grande route, commerces, seulement des villas.
Les propriétaires de la Villa Oplontis, ou dite de Poppée, n’y résident pas toute l’année. On y vient occasionnellement et surtout lors des beaux jours, l’été. On profite du climat idyllique de la Campanie, la région de Naples, appelée aussi Campania felix, la Campanie heureuse, en raison de son climat, de sa situation géographique proche de la mer mais surtout de sa terre très fertile. Fertilité due en outre à la présence des volcans qui favorise une terre riche en minéraux. Fresques, céramiques, sculptures campaniennes témoignent d’une productivité importante et d’une douceur de vivre dans la région. On vit du commerce, de l’agriculture, de la pêche, au rythme des cultes gréco-romains, orientaux et à mystères.
Des décorations pariétales de la Villa de Poppée décrivent ces cultes, la mythologie telle la fresque dans les thermes privés où est représenté sous un fond bleu Hercule dans le jardin des Hespérides. Ce fond bleu donne une dimension onirique suggérant que le barde juste au-dessus de cette image chante avec sa harpe l’histoire d’Hercule et que l’image naît de son chant. On peut évoquer la fresque du grand salon avec la représentation du sanctuaire d’Apollon à Delphes, on reconnait le trépied de la Pythie qui proférait un langage sibyllin.
Il fallait s’imaginer cette élégante et majestueuse demeure recouverte entièrement de ce style de fresques témoignant, outre d’une certaine magie, d’un niveau social élevé. Presque labyrinthique, la luxueuse demeure est composée d’atria, de jardins intérieurs agrémentés de fontaines, de salons, de petites pièces de repos, de pièces de servitude, de thermes richement décorés sûrement pour les propriétaires et les convives, de thermes réservés aux domestiques, d’un grand laraire pour les dieux de la maison, de portiques couverts courant autour de la demeure, sans oublier les péristyles où l’on aimait déambuler autour des magnifiques jardins ornés de grands vasques qui menaient vers la piscine dite olympique. Luxe et abondance. Un bassin immense servant de décoration, peut-être un vivier ? On imagine aisément, autour, de sublimes statues se reflétant dans l’eau et dont les reflets se meuvent au gré des remous de l’eau agitée par le souffle du vent. Une atmosphère paisible dans laquelle s’affairent les domestiques, travail du potager, entretien des jardins, viticulture…
Mais les nuées ardentes du volcan figeront à jamais cette ambiance campanienne. Poppée, quant à elle, ne verra pas ce cataclysme puisqu’ elle meurt en 65 ap JC.
La re-découverte des lieux
A la Renaissance, Corrado Peutinger, archéologue, découvre un itinéraire romain du IV ème siècle, une carte qui fut remaniée au Moyen-Age. On y voit noter en grands caractères le nom d’Oplontis non loin de Pompéi, soit sous l’actuelle Torre Annunziata. Bien évidemment il y eut plusieurs suppositions sur le nom d’Oplontis, la plus vraisemblable est celle « ad opulentos » vers les maisons opulentes, riches.
Des premières fouilles positives ont lieu en 1840, lorsque le Royaume de Naples est sous la dynastie des Bourbon. C’est notamment sous cette dynastie que l’on mène les fouilles d’Herculanum et de Pompéi. Mais ces fouilles visent en premier lieu à récupérer les objets précieux pour enrichir les collections d’art privées et fructifier un marché de l’antique.
A plusieurs reprises interrompues, ce n‘est véritablement qu’en 1964 que l’on met à jour partiellement la Villa de Poppée et que l’on découvre une des demeures les plus significatives comme modèles de villa suburbaine que la romanité nous a laissée.
Les fouilles suggèrent que la villa était vide lors de l’éruption, pas de traces pour effectuer des calques humains. Peut-être était-elle en travaux suite au grand tremblement de terre de 62 ap JC qui avait ravagé la baie de Naples ? Peut-être qu’aux premières secousses avant l’éruption, ceux qui se trouvaient dans la villa ont pris la fuite vers le rivage pensant y trouver une échappatoire…
Les couches de cendres et de lapilli sont visibles pour le visiteur actuel. Lorsque nous arrivons à Torre Annunziata, une commune populaire du grand Naples, on aperçoit un ramassis d’habitations, d’immeubles, ici , dans cette région la densité humaine au kilomètre carré est très forte. C’est au milieu de ces habitations, à l’intersection de rues, que l’on découvre à un niveau inférieur la Villa Oplontis. Très vite on s’aperçoit qu’une partie encore de ce complexe architectonique continue sous la rue et les habitations environnantes.
En dépit de cela, nous sommes subjugués par cette splendeur. On y parvient en empruntant des escaliers pour atteindre le niveau antique de la Villa. Émerveillement, sublime architecture romaine. La restauration des lieux a fait resurgir pour nous les couleurs vives des fresques, notamment le cinabre, le fameux rouge pompéien. Nous sommes sous le charme de ses oiseaux délicats qui picorent des fruits, cerises, figues, poires, d’une série de médaillons avec des portraits, peut-être les ancêtres de Poppée, du temple de Diane avec des griffons gardant des entrées. La villa est peinte amplement de ces superbes motifs évoquant mythologie, faune et flore de la Campanie romaine, autant d’indices pour les archéologues sur l’environnement local. On admire des paons sur les parois, ceux que l’on pouvait voir peut-être dans les jardins. Un animal domestique chez les romains. Des paniers et des coupes sont remplis de fruits, certains recouverts d’un voile fin pour les protéger des insectes, on imagine bien l’opulence de la villa. Des architectures feintes avec des entrelacs de végétation décorent les murs, comme dans le triclinium, la salle à manger. On y voit un tapis en mosaïque autour duquel se trouvaient les « kliné », ameublement permettant de savourer à la romaine un copieux repas accompagné de ce vin particulier, grumelé, et donc coupé avec de l’eau mélangé de miel ou d’épices. Le muret interne du péristyle rustique est recouvert de fresques presque estompées, toutefois on devine encore la feinte végétation abondante et des oiseaux comme pour prolonger le jardin qui existait.
Tout nous surprend lors de cette délicieuse promenade jusqu’à la grande piscine avec son promenoir flanqué d’une série de pièces, toutes plus belles les unes que les autres avec cette flore abondante, luxuriante, leurs grandes vasques remplies d’eau où viennent s’abreuver de délicats oiseaux. Les lieux sont empreints de fraîcheur et de préciosité. Ravissement des yeux et de l’esprit, les moindres détails et les pièces de la luxueuse demeure inspirent nos sens et notre imaginaire. Un saut dans le passé, une délectation suave d’un instant où tout semblait paisible avant que ne sonne le glas final.