Une découverte au bord du Rhône en 2017 ( Découvertes remarquables dans un quartier d’habitation de la colonie romaine de Vienne par la société d’investigation archéologique ARCHEODUNUM)
La rive droite du Rhône sur la commune de Sainte Colombe est connue depuis le XIXème siècle pour son patrimoine archéologique, notamment après la découverte de plusieurs mosaïques exposées au Musée de Saint Romain en Gal qui témoignent de la présence d’une riche colonie romaine de VIENNA fondée en -122 av J-C sur la rive gauche.
Pourquoi les découvertes réalisées dans le cadre d’archéologie préventive par la société Archeodunum sont-elles exceptionnelles ?
Le chantier est intéressant d’abord par sa superficie 7000 m² fouillés sur 4 mètres d’épaisseur pour une période qui va du Ier au IV ème siècle après J-C. C’est aussi la première découverte en milieu urbain depuis plus de deux décennies, ce qui en fait un événement très rare et qui explique son classement en « découverte exceptionnelle » par le ministère de la Culture.
Il se révèle ensuite passionnant car il a été affecté par au moins deux incendies qui ont scellé les niveaux d’habitation et ainsi permis une conservation optimale. Cette « Pompéi Viennoise » était en outre la voisine immédiate de la très riche ville de Vienne qui centralisait la perception des impôts de toute la Gaule, situation que lui ravira Lyon au milieu du premier siècle après J-C, suite à l’avènement de l’empereur Claude.
L’incendie du premier siècle serait daté entre 70 et 80 après J-C et a touché un quartier commerçant de 60 m2, 23 boutiques alignées sur un axe Est-Ouest, dont deux à trois tabernae, auberges de l’époque, avec amphores en banquettes. L’effondrement des bâtiments au moment des incendies a permis de retrouver du mobilier, des céramiques, des clés, des bijoux, des pièces de monnaie et une armure de légionnaire que les occupants n’ont pas eu le temps de sauver des flammes. Des locaux d’habitation à un étage (insulae) et des entrepôts prolongeaient ces boutiques vers le sud. Un embarcadère permettant de décharger les marchandises transportées sur le Rhône devait probablement se terminer sur les berges toutes proches.
L’incendie a affecté également une riche demeure de 800 m2 ornée d’une mosaïque au cortège de bacchantes et de satyres entourant un Bacchus et baptisée par les archéologues « La maison des Bacchanales » .Il a préservé la riche décoration ainsi que les étages effondrés sur les sols du rez-de-chaussée. Le luxe et le confort sont omniprésents. On remarque notamment des adductions d’eau en plomb, du marbre mais aussi un hypocauste (système de chauffage par le sol, moderne pour l’époque) pour chauffer une salle de bain privée.
Après reconstruction, la vie a suivi son cours jusqu’au deuxième incendie daté de la fin du II ou du début du III siècle après J-C. On retrouve sur le site un vaste secteur public, 1350 m2, avec à l’est, côtoyant des thermes, une palestre (gymnase) avec un gigantesque bassin central dans lequel une statue d’Hercule a été mise à jour. Cet espace, ceint d’un péristyle, aurait pu abriter une schola (école de rhétorique ou de philosophie). Des inscriptions anciennes indiquent qu’il existait ce type de structure à Vienne. On pourrait l’avoir localisé.
La découverte la plus riche et la plus spectaculaire est certainement la maison de Thalie et de Pan, qui doit son nom là encore à une somptueuse mosaïque dédiée à ces personnages de la mythologie grecque. Cette « domus », peut-être propriété d’un riche marchand oriental, située en bordure de la Via Agrippa (voie Narbonnaise), autoroute A7 de l’Antiquité qui reliait Lugdunum (Lyon) à Arelate (Arles), possédait pas moins de quatre autres mosaïques. Certaines, ornées de motifs floraux, étaient disposées jusque dans les couloirs. On trouve également deux jardins intérieurs avec péristyles sur lesquels s’ouvrent les pièces de la « domus ». La décoration est soignée comme en témoigne un « tablinum » (bureau) de 16 m2 doté d’une mosaïque dont le médaillon central représente l’enlèvement de Thalie, la muse de la comédie, par Pan, une divinité de la suite bachique.
Après le diagnostic réalisé par Michel Goy (INRAP), le chantier archéologique a été conduit depuis avril 2017 sous la direction de Benjamin Clément (ARCHEODUNUM) et doit se terminer à la fin de cette année. L’ensemble des mosaïques est en cours de restauration au musée de St Romain en Gal, tout proche, et pourra être visible dans ce même musée en 2019 lors d’une grande présentation au public, selon le céramologue Bertrand Bonaventure.
Article : Pierre Vittore, professeur de Science et de Géologie